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Le commissaire aux langues officielles préoccupé par les compressions budgétaires

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«Les langues officielles, c'est une valeur fondamentale canadienne, et c'est de cette façon qu'on doit les percevoir.»

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Thébégneau, tient une conférence de presse au Théâtre de la presse nationale à Ottawa, le mardi 7 mai 2024. Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Thébégneau, tient une conférence de presse au Théâtre de la presse nationale à Ottawa, le mardi 7 mai 2024. (Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, invite à une «vigilance accrue» face aux compressions budgétaires à venir du gouvernement fédéral, afin d'éviter que les droits linguistiques en fassent les frais. 

Le commissaire Théberge a déposé mardi son rapport portant sur des constats à la mi-parcours du Plan d'action pour les langues officielles 2023-2028, qui prévoit un financement de 4,1 milliards $. 

Dans sa conclusion, il estime qu'au moment où le gouvernement de Mark Carney envisage de réduire ses dépenses, «une vigilance accrue est de mise, afin d’éviter les incidences disproportionnées sur les langues officielles». 

«Il ne faudrait pas que la capacité de la fonction publique à servir le public dans les deux langues officielles et appuyer la dualité linguistique canadienne s’effrite et mine les progrès considérables rendus possibles par le Plan d’action», écrit le commissaire. 

En conférence de presse mardi matin, à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, M. Théberge a indiqué que les langues officielles ont «souvent» été affectées lors de précédentes compressions budgétaires. 

«Par exemple, au niveau de l'appareil fédéral, très souvent, on coupait la formation linguistique, on coupait la recherche. On coupait des postes et, sans trop savoir, l'impact sur la capacité du gouvernement à livrer les services dans les langues officielles», a-t-il témoigné. 

Le commissaire s'est aussi dit préoccupé pour le possible prochain plan d'action. Il se questionne à savoir si celui-ci sera assorti d'un «financement adéquat pour répondre aux besoins des communautés» ou s'il subira «des coupures importantes». 

«C'est important pour les organismes et les organisations qu'on soit vigilants pour s'assurer que les langues officielles» ne soient pas perçues comme «un fardeau administratif», a soutenu M. Théberge, qui doit quitter son poste pour la retraite en début d'année prochaine. 

«Les langues officielles, c'est une valeur fondamentale canadienne, et c'est de cette façon qu'on doit les percevoir», a-t-il ajouté. 

Des doutes sur l'IA

Dans son premier budget adopté cet automne, le gouvernement Carney prévoit de réduire les dépenses des programmes et les coûts administratifs d'environ 60 milliards $ au cours des cinq prochaines années. Il entend également couper 40 000 emplois dans la fonction publique d'ici 2029. 

M. Théberge souligne que son rapport annuel 2024-2025 «enjoignait l’ensemble des administrateurs généraux à tenir compte des obligations et des droits linguistiques de leurs organisations respectives lors des exercices de réductions budgétaires dans la fonction publique fédérale».

En conférence de presse, il a aussi exprimé des doutes sur le recours à l'intelligence artificielle (IA) pour améliorer l'efficacité de l'appareil gouvernemental, comme le promettent les libéraux. 

Selon lui, l'IA «n'est pas nécessairement la meilleure façon de traiter avec nos communautés» en matière d'exigences linguistiques. 

«La plupart des outils qui sont développés pour l'IA viennent de corpus anglophones. (...) Donc déjà, c'est biaisé. Les outils sont biaisés. (...) Je pense que c'est important de s'assurer que ces systèmes-là ne soient pas très, très biaisés», a affirmé M. Théberge. 

Des «défis» pour les Anglo-Québécois

Le commissaire aborde aussi dans son rapport présenté mardi la situation des communautés anglophones du Québec. D’après M. Théberge, le contexte actuel dans la province «demeure une source de défis pour elles, particulièrement dans les secteurs de la santé et de l’éducation».

Il cite notamment la réforme de Charte de la langue française et ses directives, qui entraînent, selon lui, «une certaine confusion quant à l’application du droit d’être servi en anglais dans les secteurs des soins de santé, des affaires et de la communauté».

«Par exemple, certains travailleurs de la santé peinent encore à déterminer exactement dans quelles circonstances ils peuvent offrir des services au public en anglais. Par conséquent, ces travailleurs choisissent de pécher par excès de prudence en ce qui a trait à leurs obligations linguistiques, de peur d’être pénalisés», mentionne le commissaire dans son rapport. 

Il estime ainsi que des membres de la minorité anglophone du Québec «risquent d’être dépouillés de leur droit d’obtenir leurs soins de santé en anglais».

Successeure à venir 

Le gouvernement fédéral aurait arrêté son choix sur la juriste franco-ontarienne Kelly Burke pour remplacer M. Théberge, selon ce que des médias, dont Radio-Canada, ont rapporté lundi. 

Invité à commenter la candidature de sa potentielle successeure, le commissaire s'est limité à dire l'avoir déjà côtoyée lorsqu'elle était commissaire aux services en français de l’Ontario, de 2020 à 2023. 

M. Théberge occupe le poste de commissaire aux langues officielles depuis 2018. Il doit officiellement quitter ses fonctions à la fin du mois de janvier. 

Frédéric Lacroix-Couture

Frédéric Lacroix-Couture

Journaliste